Chapitre 16 - Jeux, paires & Love

Chapitre 16

 

Sabrina remonta la couverture vers elle et redressa Rose bonbon à ses côtés. Allongée sur le lit, elle zappa les chaînes de la télévision sans trouver une émission ou une série à son goût.

Depuis son arrivée, elle n’avait quasiment pas quitté le lit. Mario, le portrait de Luis en plus âgé, était venu l’attendre à la gare. Comme la résidence secondaire de son fils était prête, elle s’était tout de suite installée dans la maison près de la plage.

Elle était complètement anéantie. L’effondrement de son bonheur tout récent pouvait s’assimiler à un château de cartes. En haut de la pyramide, une seule carte restait à poser, mais celle-ci avait fait chuter toutes les autres.

Pourquoi n’avait-elle pas écouté Anabella au lieu de se précipiter à accepter d’épouser Christian ? Elle revoyait Manuel qui l’avertissait de l’infidélité de Christian. Mais surtout, elle rougissait de honte lorsque son corps avait répondu avec entrain aux caresses de son patron.

Sabrina soupira, lasse. Elle se ressassait constamment ces mêmes scènes.

Sa main se dirigea vers une boîte de chocolats blancs posée auprès d’elle. Cela l’apaisait de manger sans aucune restriction ce qui lui était interdit. Mais là, le chocolat lui rappelait trop les baisers de Manuel. Elle s’arrêta aussitôt et cacha le paquet sous son oreiller. Ses yeux rougis s’embuèrent encore une fois. Elle attrapa un mouchoir dans la boîte de Kleenex et les tamponna.

Trois bips s’échappèrent de son téléphone portable. Anabella voulait certainement prendre de ses nouvelles. Lorsqu’elle vit le nom à travers les larmes qui lui brouillaient à nouveau la vue, elle frissonna de dégoût.

Christian !

Il n’avait pas essayé durant ces trois jours de l’appeler. Et là, il lui envoyait un texto. Elle aurait dû se méfier depuis le début. Lorsqu’un homme n’appelait pas, c’est qu’au fond, il avait d’autres chats à fouetter. En l’occurrence, Christian avait d’autres femmes à séduire.

Par curiosité, elle ouvrit le message :

Bonjour Sabrina. Il y a eu un malentendu entre nous. Je sais que ce que je t’ai fait n’est pas correct. Mais je suis un homme à femmes. Je t’ai fait du mal et je m’en rends compte. J’espère que tu vas bien, car je n’ai pas de nouvelles. Bisous.

Dans le message aucun mot tendre. Simplement de belles excuses. De quoi avait-il peur ? Pensait-il qu’elle allait commettre un geste irréparable ?

En tout cas, elle ne lui répondrait pas comme elle le faisait auparavant. Christian était un homme trop sûr de lui et tout son charme résidait justement dans cette assurance presque arrogante.

Sabrina analysait tous les événements sous un nouveau jour. Mais comment s’était-elle laissé embarquer dans ce qui lui paraissait être le grand amour ? Est-ce que l’amour existait réellement ?

« Mais bien sûr ! Anabella et Luis en sont l’exemple même ! s’exclama-t-elle intérieurement. Ainsi que mes parents ! »

 

Les voitures se bousculaient sur l’autoroute du Sud en cette fin d’après-midi. Les premiers véhicules des amateurs du soleil s’échelonnaient le long de l’asphalte, roulant vers une destination où la température se maintenait en haut du thermomètre. En plein mois de mai, certaines régions du sud de la France connaissaient déjà un afflux de touristes.

Manuel figurait parmi ces automobilistes pressés de gagner leur point d’arrivée. Il avait hâte d’être chez Mario. Il conduisait depuis ce matin. Et surtout, il était impatient de retrouver la maison où il avait passé une bonne partie de son adolescence. Il avait décidé d’y rester deux bonnes semaines. Il jeta un œil à Frédéric sur le siège passager. Ce dernier dormait à poings fermés. La tension de ces derniers jours et une nuit d’interrogatoire au commissariat avaient eu raison de sa résistance.

Manuel sourit en évoquant l’entrevue dans le cabinet du juge.

— Jeune homme, avait déclaré le juge en s’adressant à Frédéric, vous avez beaucoup de chance. Je ne peux que m’incliner devant les deux hommes qui m’ont vanté vos qualités. Vous devriez suivre un peu plus leurs conseils. Toutefois, je vous condamne quand même à des travaux d’intérêt général et à une obligation de suivi par un éducateur adapté. Je vois que vos protecteurs, Messieurs Torente et Ménard, ici présents, ont déjà prévu de vous envoyer dans un Centre pour jeunes en réinsertion à Arcachon. Alors, je ne veux plus vous voir devant moi à l’avenir.

Frédéric avait regardé le juge dans les yeux en affirmant avec l’aplomb de ses seize ans tout juste :

— Moi aussi, je souhaite ne plus vous revoir, Monsieur le Juge. Sauf peut-être si vous aviez de bonnes nouvelles à m’annoncer. Le chemin qui m’attend sera difficile, j’en suis bien conscient, mais je tiendrai, car j’ai confiance en mon futur. Et je vous remercie de m’accorder cette nouvelle chance.

Manuel tourna son volant pour sortir de l’autoroute. Plus que trente minutes encore… Ses pensées dérivèrent sur Sabrina. Il comprenait mieux sa détresse dans la discothèque. Elle avait dû apprendre la traîtrise de son fiancé. Brice l’avait informé de son départ en congé.

« Au moins, elle est débarrassée de ce coureur de jupons qui l’aurait rendue encore plus malheureuse. »

Manuel arriva enfin à la maison de Mario. Ce dernier habitait une belle demeure de quatre étages. Mario avait transformé sa maison en un refuge pour adolescents. Bien qu’à la retraite, il avait repris son activité depuis quelques mois, car il s’ennuyait ferme.

— Manuel ! s’écria Mario lorsque celui-ci sortit de la voiture.

Frédéric était toujours endormi.

Les deux hommes s’étreignirent avant de s’embrasser avec émotion.

— Entre le moment où tu m’as téléphoné et ton arrivée, j’ai eu, comme qui dirait, un petit souci.

— Dont tu trouveras tout de suite la solution, je te fais confiance.

— Oui, tu as parfaitement raison. J’héberge une flopée d’adolescentes. Elles ont subi une inondation dans leur camping et je suis complet. Je peux caser Frédéric, mais toi, ça ne va pas être possible. J’ai pensé que tu pourrais dormir à la maison de Luis. La nuit commence à tomber. Tu mangeras bien un bout avant de partir.

— Et comment ! Tu as embelli la maison depuis, constata Manuel. Je ne me souviens pas de ce petit jardin que j’aperçois derrière le portail.

— Ça, c’est mon coin potager. J’ai lancé un atelier agriculture et des petites mains m’aident à faire pousser légumes et autres variétés de plantes. Mais on va réveiller d’abord notre petit prince sinon il va finir sa nuit dans la voiture.

Une demi-heure plus tard, Frédéric et Manuel dégustaient sur le pouce les restes d’un cassoulet maison préparé par Mario. Frédéric avait aperçu des jeunes filles qui se baladaient un peu partout dans la demeure en riant.

— Je crois que je vais bien me plaire ici, dit-il à Mario.

— Regarde-moi ce coquin ! Il me fait penser à quelqu’un ! s’exclama Mario en faisant un clin d’œil à Manuel.

Manuel se leva.

— Je crois que je vais vous laisser pour ce soir. La nuit est complètement tombée et j’ai encore un peu de route à faire. Je viendrai demain de bonne heure. Bonsoir Mario, dit Manuel en embrassant le père de Luis.

Manuel mit son poing droit contre la mâchoire de Frédéric en imitant une chiquenaude et ébouriffa ses cheveux bouclés.

— Et toi, petit caïd repenti, passe une bonne nuit. À demain. Je vais chercher les clés de la maison. Tu ranges toujours les clés au même endroit ? demanda Manuel à Mario en s’éloignant en direction du salon.

— Oui, mais attends, il faut que je te dise…

Mario suivit Manuel. Mais celui-ci, pressé de se coucher avec la fatigue, avait déjà récupéré les clefs et sauté dans son véhicule.

— Bah ! Et puis, tant pis, il y a assez de place pour deux, dit Mario tout haut en revenant vers la maison.

Manuel stoppa sa voiture quelques minutes plus tard devant la maison de Luis non loin de la plage. Il prit sa valise dans le coffre en sifflotant légèrement.

« Tiens, Luis a gardé le hamac sur le balcon finalement. Il avait mentionné qu’un jour il le balancerait. »

Il ouvrit la porte d’entrée et alluma dans le vestibule.

« Je vais juste récupérer une couverture et je saute dans le hamac, ma place favorite. »

Il traîna sa valise dans la première chambre sur son chemin. Il ouvrit la porte et posa la main sur l’interrupteur, mais s’arrêta instantanément. Une forme avait bougé dans le lit. Aux aguets, il s’approcha sans faire de bruit. Le léger trait de lumière filtrant à travers la chambre le guida jusqu’au pied du lit.

— Sabrina…, murmura-t-il étonné, c’est donc ici qu’elle s’est réfugiée !

Il la contempla quelques secondes et remarqua les mèches en laine de la poupée, Rose Bonbon, entremêlées avec une poignée de cheveux de la jeune fille. Puis, il repartit sur le balcon, sortant au passage une couverture.

 

Sabrina se réveilla en sursautant. Son cauchemar habituel la poursuivait. Cette fois-ci, un vilain clown lui avait chatouillé les pieds. Il était tellement laid qu’elle avait hurlé dans son rêve. Elle possédait un vieux jouet qu’elle n’aimait pas étant petite. Il ressemblait étrangement au personnage de son « mochemar », terme qu’elle utilisait gamine.

Elle tressaillit tout à coup en entendant remuer au-dehors. Le bruit semblait provenir du balcon. Elle se redressa sur son lit et écouta quelques instants. Il devait être six heures du matin, car le jour commençait à poindre. Le même grincement se fit ressentir. Elle refoula les couvertures au bas de ses jambes et sauta du lit. Elle se faufila à l’extérieur en se munissant d’un manche à balai trouvé dans la cuisine.

Arrivée au balcon, elle hissa le manche à balai comme un guerrier tenant sa lance. Elle s’apprêtait à le projeter sur le hamac lorsqu’elle vit Manuel allongé, en train d’y dormir.

Elle abaissa sa main machinalement et reposa son arme improvisée. Elle avança plus près pour l’observer. Ses cheveux avaient poussé depuis la dernière fois et quelques boucles brunes lui arrivaient jusque derrière ses oreilles. Il arborait une légère marque sur sa joue gauche, cicatrice inexistante auparavant.

« Il avait retrouvé Frédéric. »

Elle en était sûre. Sinon, il ne serait pas ici à dormir. Il était trop attaché à cet enfant. Elle se pencha sur lui pour examiner d’un peu plus près la blessure. Celle-ci formait un petit cadran, comme le poinçon d’une bague. Manuel remua dans le hamac, tendit subitement les bras et captura la taille de Sabrina. La jeune fille bascula légèrement sur lui.

Sabrina crut qu’il s’était réveillé et un trouble s’empara de son corps en sentant les bras de Manuel sur ses hanches. Délicatement, elle prit appui d’une main sur son torse pour essayer de se dégager, mais le hamac remua sous leurs deux poids. Elle se retrouva pressée tout contre sa poitrine. Elle retint son souffle.

— Tu sens merveilleusement bon…, murmura Manuel.

« Il parle dans son sommeil », se dit-elle soulagée.

Elle se sentait si bien ainsi et, au lieu d’essayer de se défaire des bras de Manuel toujours autour de sa taille, elle toucha la marque sur sa joue, comme fascinée.

— Carina, cela suffit maintenant, le pansement est bien fixé.

Il remua vers la gauche et libéra ainsi Sabrina. Elle sauta aussitôt sur ses pieds.

Il l’avait prise pour Carina ! Cette constatation lui rendit toute sa présence d’esprit.

« Je vais faire du café », décida-t-elle en s’éloignant vers la cuisine.

Quelques minutes après, elle posa sa tasse fumante sur la table en hêtre et prit place sur le banc associé à la table. Ses coudes appuyés sur le rebord, elle enfouit son visage dans ses mains.

Elle avait pris la fuite aussi loin que possible pour se soustraire aux deux hommes et faire le point. Et ce matin, elle découvrait son patron, on ne peut plus séduisant, en train de dormir dans le hamac.

Pourquoi était-il ici ?

Le pépiement des moineaux et le cri caractéristique de quelques poules d’eau à proximité la firent réagir. Elle n’allait pas se morfondre dès le matin parce qu’il était là ! Elle ne devait pas lui donner l’image d’une enfant fragile, mais celle d’une femme sûre d’elle.

Elle émietta du pain rassis, l’imbiba d’eau et sortit sur le perron avec sa tasse de café. Sur le coin de la terrasse, elle déposa le pain destiné aux oiseaux. Le café la réveilla complètement.

Manuel dormait toujours. Son visage paisible le rendait moins dangereux.

S’apercevant qu’elle était toujours en pyjama, elle rentra rapidement pour se changer après s’être douchée. Pour tout maquillage, elle traça ses yeux de khôl et mit une crème scintillante sur son visage et ses bras. Elle noua finalement ses cheveux en queue de cheval.

Elle resta assise un court moment sur son lit qu’elle venait de faire, chose qu’elle n’avait pas entreprise depuis son arrivée, car c’était son endroit de réflexion. Manuel occupait ses pensées. Comment réagir devant lui ? Était-il au courant pour Christian et elle ?

 

Manuel se réveilla en s’étirant. Il avait superbement bien dormi. Il était relaxé et moins stressé depuis la réapparition de Frédéric. Il s’extirpa du hamac tel un félin et pénétra dans la maison. Une bonne odeur de pain grillé et de café sortait de la cuisine.

Sabrina récupéra les toasts dans une assiette qu’elle déposa près de la confiture, du beurre et des gâteaux. Tout cela lui mit l’eau à la bouche.

— Bonjour, fit-il depuis l’embrassure de la porte.

La jeune femme se retourna vers lui. Son jean slim noir et son pull fin couleur écru tombant à mi-cuisse la rendaient moins tentatrice, mais tout aussi séduisante qu’à la dernière soirée.

— Bonjour, répéta-t-elle sans surprise. Prenez place et mangez pendant que tout est chaud.

Manuel obéit sous le regard de Sabrina.

— Je ne savais pas que vous étiez ici, avoua-t-il. Je m’en suis rendu compte lorsque je suis entré dans la chambre.

Il eut à nouveau le spectacle de la jeune fille endormie. Sa chevelure assombrie par l’obscurité se détachait sur le contour blanc de l’oreiller. Il avait retenu son souffle et s’était esquivé sans bruit pour ne pas l’éveiller.

— Mais quel est le motif exact de votre visite à Arcachon ? demanda-t-elle en s’asseyant face à lui.

— J’ai accompagné Frédéric chez le père de Luis. Je m’éloigne deux semaines de Paris pour m’occuper de lui et tout mettre en place.

— Je suis heureuse que vous ayez enfin trouvé Frédéric.

— Grâce à vous. Sans votre présence, Sarah n’aurait pas pu venir avec nous en boîte et repérer l’homme.

Manuel lui fit un récit des derniers événements.

— Je dois l’encadrer dans son nouvel univers pour qu’il se sente en confiance… D’ailleurs, il faut que je vous en parle. Mario accueille actuellement des jeunes occupantes d’un camping inondé. J’ai bien peur de devoir vous imposer ma présence inattendue pendant la durée de votre séjour.

— La maison est grande, fit Sabrina, impassible.

— Je préfère dormir dans le hamac. Je dors toujours là lorsque je descends chez Luis.

— Ne vous inquiétez pas, je n’ai pas l’intention de vous voler votre endroit favori. Je préfère un bon lit posé sur quatre pieds au lieu d’une balançoire, plaisanta-t-elle.

— Si cela vous intéresse, je vais partir chez Mario bientôt. Si vous désirez un peu de présence et faire des activités, vous êtes la bienvenue. J’ai l’intention d’emmener Frédéric en excursion sur le catamaran d’un de mes amis. Ce sera l’occasion de lui présenter Frédéric. Michel, cet ami, possède également un vieux rafiot dans le port qu’il retape lorsqu’il a du temps libre. Il est prévu que Frédéric lui donne un coup de main. Cela rentrera dans le cadre de sa réinsertion.

— Je ne sais pas…, hésita Sabrina. Je ne veux pas vous déranger.

— Au contraire, nombreuse est la compagnie, heureuse est la vie. Il fait un temps magnifique et la mer est belle.

— Vous savez trouver les mots pour me tenter. C’est oui. Je vais enfiler un vêtement plus confortable.

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