Chapitre 4 - Jeux, paires & Love

Chapitre 4

 

Sabrina s’orienta vers l’accueil maintenant familier de l’établissement hospitalier. Des petits bouquets de gui et quelques boules multicolores égayaient un peu le dessus des portes. Un sapin joliment décoré juste à l’entrée rappelait l’atmosphère festive de Noël.

— Pouvez-vous m’indiquer où se trouve à présent le petit Joshua, s’il vous plaît ? Son ancienne chambre est vide.

Elle espérait avec angoisse que son état n’avait pas empiré.

— Je suis désolée, mais toute visite lui est interdite pour l’instant. Il revient de chirurgie. Je ne peux vous en dire plus.

La secrétaire l’observa avec plus d’attention.

— Vous êtes Sabrina Millot ?

— Oui, c’est bien mon nom. Joshua a laissé un message pour moi ?

— Non, pas que je sache. En fait, c’est au sujet de votre mère. J’ai quelques papiers la concernant.

— Des papiers ?

Le tiroir gémit lorsque la jeune femme blonde en tira la poignée. Ce son lugubre semblait l’avertir d’une mauvaise nouvelle.

Les épaules de Sabrina s’affaissèrent à cette hypothèse. Retrouverait-elle un jour un bonheur sans nuage ?

— Oui, le Docteur Amos ne vous en a pas parlé ?

— Non, de quoi s’agit-il ?

— Je pense préférable de les lui confier, fit la secrétaire hésitante. C’est un peu délicat. Il quitte son service tard aujourd’hui. Je lui en toucherai un mot.

 

Une demi-heure plus tard, Sabrina s’achemina avec difficulté vers son bureau. Outre la perte de sa mère, l’ambiance, depuis quelque temps entre elle et Janice, la comptable, n’était pas des plus roses.

En effet, depuis leur première rencontre, Sabrina avait ressenti une certaine distance entre elles. Elle avait vite réalisé que Janice ne dérogeait pas du cadre strict de sa fonction. Ainsi, elle négligeait toute tâche n’ayant pas un lien direct avec la comptabilité. Sabrina comprenait mieux le bazar accumulé lors de son embauche.

Elle rangea son sac dans un tiroir de son bureau et appuya sur une touche du clavier pour activer son écran. Elle se demandait comment elle allait occuper son temps. Manuel avait prolongé son séjour en Italie et elle avait déjà soigneusement exécuté tous les travaux en attente.

« J’espère qu’il ne me ménage pas en raison du décès de maman », se dit-elle avec un petit frisson.

Il l’avait tout de suite appelée pour lui exprimer ses condoléances, mais elle avait refusé de prendre plus de jours que nécessaire.

Elle ne voulait pas de la pitié, mais continuer son travail. Elle avait besoin d’une activité pour s’occuper l’esprit et reprendre le cours de la vie.

« Ou plutôt ce qui reste de mon travail, songea-t-elle en parcourant du regard la pièce méticuleusement ordonnée. Les grains de poussière ne se sont pas encore déposés sur le petit meuble à classeurs. Demain, je passerai un chiffon dès leur première apparition. »

L’ordre et la propreté étaient deux de ses préceptes, mais là, l’oisiveté la poussait à devenir maniaque ! Elle se rebella. Elle en avait marre de poireauter à contempler son bureau.

Le téléphone répondit à sa frustration et sa sonnerie fut comme une promesse de nouveauté.

La voix sèche de Janice au bout du fil lui parut même agréable auprès du silence angoissant qui l’enveloppait.

— Pourriez-vous venir à mon bureau, s’il vous plaît ? Manuel a laissé de nouvelles consignes en votre absence et il faut que je vous parle.

Elle raccrocha tout aussi aimablement que l’intonation de sa voix.

Sabrina grommela en quittant sa chaise.

« Quelle absence ? J’étais en pause déjeuner. Un peu plus longue que d’habitude, soit… »

Elle traversa le couloir pour rejoindre le bureau de la comptable.

— Tout d’abord, sachez que les appareils de la société ont un coût. Et toute utilisation prolongée par un employé n’est pas gratuite.

Sabrina eut un haut-le-corps sous cette attaque tranchante. Mais elle garda son calme en serrant les poings.

— Ensuite, Manuel m’a demandé de vous confier quelques tâches. Je dois dire que je n’ai pas grand-chose, à part quelques rangements là-bas.

Elle pointa du menton des boîtes d’archives accumulées par terre en face d’elle. Sabrina nota le bureau comble de Janice.

« Elle se garde le côté intéressant même si elle doit faire des heures à n’en plus finir. Grand bien lui fasse ! »

— Dois-je commencer tout de suite, ou bien vous souhaitez que je revienne à un moment où vous serez moins dérangée ? demanda Sabrina d’un ton docile.

— Non, le plus tôt sera le mieux.

Sabrina lui tourna le dos et se dirigea avec détermination vers la tâche simplissime qui l’attendait. Elle souleva les boîtes, vérifia l’étiquetage pour le classement et dix minutes plus tard, elle avait terminé.

Le téléphone se mit à retentir et Janice s’empressa de le décrocher. Sabrina se releva en s’époussetant les genoux et fit un pas vers la sortie.

— Attendez ! Manuel souhaite vous dire un mot, l’interpella Janice.

Sabrina prit le combiné qu’elle tendait avec réticence. Le beau visage de Janice était contrarié. Sabrina s’était toujours interrogée comment une aussi jolie brunette de trente ans pouvait avoir un caractère à l’exact opposé de son physique.

— Sabrina, vous avez votre bloc-notes sous la main ? s’enquit Manuel après l’avoir saluée.

Ses yeux se fermèrent un court instant en entendant la voix de son patron. Elle revoyait nettement son visage sculptural encadré par de si beaux cheveux noirs. Et des yeux d’une intensité incroyable !

Sabrina reprit ses esprits et récupéra une feuille vierge volante à proximité du moniteur ainsi qu’un crayon.

— Oui, je vous écoute.

— Vous allez collecter toutes les données personnelles de nos clients et leur adresser un mailing dont je viens de vous faxer le contenu à l’instant. Jérôme vous remettra aussi la liste de ses derniers contacts. Je rentre lundi. Il faut également que nous ayons cette conversation que j’ai évoquée lors de mon départ.

Sabrina acquiesça tandis que son crayon survola la feuille de papier, inscrivant d’autres détails mentionnés par Manuel avant la fin de leur entretien téléphonique.

Elle prit congé de Janice. Celle-ci la remercia du bout des lèvres pour son aide. Mais Sabrina retourna aussitôt la voir après un passage éclair à son propre bureau.

— Tenez, voici mon abonnement signé ainsi que le chèque correspondant pour avoir le droit d’usage sur les appareils sportifs.

Et elle s’en fut sous le regard ébahi de la comptable.

Sa colère devait être perceptible. Même si le caractère grognon de Janice était habituel, Sabrina n’admettait pas d’être son souffre-douleur. De plus, le sous-entendu de Manuel concernant son poids l’avait complètement irritée. Autant il pouvait être attentif et se soucier de ce qui pouvait la toucher moralement, autant il n’avait aucun tact quand il s’agissait du physique. Peut-être était-ce son métier qui l’obligeait à avoir cet œil critique au point de manquer de diplomatie ?

Trois fois de suite, elle respira profondément et doucement avant d’expirer de la même façon.

« Sois zen et surtout ne fais plus attention à eux, ils n’en valent pas la peine ! »

Ce regain de colère s’atténua progressivement. Sabrina en avait déjà vu de toutes les couleurs. Ce monde n’était pas parfait malheureusement…

Avant de commencer à mettre le nez dans la base de données, Sabrina appela l’hôpital.

Le petit Joshua allait bien, apprit-elle, mais seules les visites familiales étaient autorisées pour l’instant.

À la débauche, Sabrina repensa aux fameux documents concernant sa mère. Elle sortit de l’ascenseur, préoccupée, et percuta un homme qui voulait y entrer. Elle s’accrocha au bras de ce dernier pour ne pas tomber.

— Pardon ! Je ne vous ai pas fait mal ? s’enquit une voix inquiète.

Sabrina leva les yeux et resta figée d’admiration. Une pensée fusa instantanément dans sa tête.

« Plus beau, tu meurs ! »

— Vous êtes sûre que tout va bien ? redemanda l’homme blond aux yeux d’un bleu intense comme Sabrina les adorait.

— Je… oui…, bafouilla-t-elle avec un timide sourire.

— Vous avez un sourire magnifique ! s’écria-t-il en l’observant.

Elle rougit.

— Et vous rougissez si délicieusement.

Sabrina le regarda, les yeux agrandis. Il avait une voix douce et tellement chaude.

« Est-ce bien à moi qu’il s’adresse ainsi ? »

Difficile de s’y méprendre pourtant sur la note de sincérité dans cette voix masculine qui lui donnait des frissons exquis.

— Je ne vais pas vous laisser filer ainsi sans me présenter. On ne sait jamais. Vous pourriez subir le contrecoup du choc.

« Je le subis déjà en me noyant dans le bleu océan de vos yeux, mon beau prince blond. »

— Je suis Christian Fabre, le nouveau diététicien de Vis ta forme. Vous êtes une cliente ?

— Non, je suis la secrétaire du gérant, Sabrina Millot.

— Enchanté ! On sera amené sans doute à se revoir.

Il lui baisa la main délicatement et s’engouffra ensuite dans l’ascenseur qui engloutissait ses rêves de princesse.

Sabrina resta quelques secondes à contempler les portes fermées avant de réagir et de gagner les vestiaires où l’attendait Anabella.

« Était-ce un rêve ? », songea-t-elle en étant transportée dans un nuage.

Il était beau, grand et svelte comme un acteur de cinéma. Elle avait vraiment dû rêver. Un tel homme ne pouvait pas exister si près d’elle. Sa fragilité émotionnelle en avait pris encore un coup et elle avait dû se réfugier dans une si merveilleuse hallucination.

Sabrina retrouva la femme de Luis. Anabella avait insisté pour qu’elles assistent à cette séance en ce jour de réveillon. Sabrina avait décliné son invitation pour réveillonner avec Luis et elle. Elle voulait les laisser en amoureux, car ils ne se voyaient que rarement le soir en raison des nombreuses gardes de Luis.

Anabella regroupa sa longue chevelure en un chignon.

— Tu es en retard, ma belle !

Sabrina rosit à cette exclamation. La femme de Luis essayait de la valoriser et de la remettre en confiance. Mais Sabrina n’en était pas encore à ce stade. Elle se sentait toujours aussi laide. Pourtant…

Ses deux mains se posèrent sur ses joues en feu. Elle repensait à cette rencontre inattendue avec ce beau jeune homme. Il l’avait complimentée sur son sourire. Mais cela ne pouvait être réel, car aucun homme ne s’était intéressé à elle jusque-là. Alors pourquoi cela changerait-il ?

Elle regarda le miroir et sourit. Tous deux avaient raison :

Son sourire était vraiment joli !

— Mais que t’arrive-t-il ? s’enquit Anabella. Tu rayonnes comme un soleil et tu es toute rouge. As-tu rencontré quelqu’un ?

— Un soleil, soupira-t-elle d’émerveillement. C’est tout à fait cela, un soleil qui a resplendi sur toute ma journée.

— Mais que racontes-tu ? l’interrogea Annabella.

— J’ai fait un rêve… un si merveilleux rêve. Je ne pense pas qu’il soit réel.

— Mais qui ?

Sabrina s’assit sur le banc après avoir enlevé ses chaussures et son pantalon.

— J’ai vu le nouveau diététicien.

— Un diététicien. Mais que racontes-tu ?

— Tu vois, même toi, tu n’es pas au courant de sa venue. C’était donc un rêve… C’était un homme charmant. Un si bel homme…

— Mais que s’est-il passé pour être ainsi dans cet état ? Donne-moi ton secret.

Sabrina lui raconta sa bousculade et leur échange.

— Que c’est chou ! Même si c’est un rêve, il a tout à fait raison, mais quand on te le dit, tu ne nous crois pas. Sache en tout cas que tu as bien changé physiquement durant ces deux dernières semaines. Ton charme naturel s’est épanoui.

Anabella lui prit les deux mains et l’entraîna vers un grand miroir. En petite tenue, Sabrina osa enfin regarder sa silhouette. Ses vêtements étranglaient moins ses cuisses et son ventre. Son corps lui paraissait plus ferme.

Brice et Anabella avaient réalisé du bon travail. Ils étaient toujours derrière elle pour l’encourager. Elle avait augmenté ses séries d’exercices abdominaux et la durée de son footing sur le tapis. Le squat avait été intégré, quelques jours après, pour tonifier les cuisses avant et remonter le fessier.

Elle se souvint du jour où elle avait eu mal à l’abdomen le lendemain de sa première séance. Elle avait décidé de continuer le dimanche chez elle. Elle avait utilisé son clic-clac en y glissant les pieds dessous et avait entamé ainsi ses séances. Elle s’était à peine redressée que la sangle abdominale lui avait arraché un cri. Mais Brice l’avait prévenue. Au lieu de s’arrêter, elle avait insisté et la douleur s’était évanouie comme il l’avait prédit. Le muscle en se réchauffant était comme anesthésié.

À présent, elle pratiquait une demi-heure tous les jours sauf le week-end où elle s’autorisait une pause.

— Trop de sport tue le sport, lui avait dit Brice. Lâche un peu de leste pour reprendre naturellement ensuite.

— Tu as encore du travail devant toi, continua Anabella, c’est clair. Mais tu as de belles formes et il faudra les mettre en valeur. On renouvellera ta garde-robe, mais on va encore attendre pour cela. Inutile d’acheter tout plein de choses maintenant, car si tu continues sur ta lancée, tu perdras encore du poids.

En effet, elle avait maigri de deux kilos environ en deux semaines. Ses menus n’étaient pas cantonnés à de la salade. Une fois par semaine, elle agrémentait ses repas de petits gâteaux et aussi de plats plus goûteux.

— Tu ne dois pas habituer ton corps uniquement à des aliments non gras, lui avait conseillé Brice quand elle lui avait annoncé sa donation de sucré-salé à Malika.

Cette journée de plaisir de saveurs retrouvées, il faut l’avouer, lui permettait de poursuivre son régime, par ailleurs, non contraignant.

Anabella la tira de ses pensées en la poussant vers le banc pour qu’elle enfile ses vêtements de sport.

À peine émergeaient-elles du vestiaire qu’elles virent Brice se précipiter à leur rencontre.

— Ben alors, que faisiez-vous depuis tout à l’heure ? J’ai retardé le cours à cause de vous !

— Désolée, très cher, nous n’avons pas vu le temps passer, répondit Anabella.

— Papoter, papoter, c’est bien des filles ! Et votre sujet de conversation, ce n’était pas Christian Fabre ? Vous avez vu combien il est bel homme ? J’en ai encore des frissons quand il est venu se présenter à l’équipe.

Sabrina et Anabella se regardèrent et éclatèrent de rire. Voilà bien Brice tout craché ! Toujours à reluquer les beaux mecs et à en faire part ensuite aux deux filles.

— Mais alors, ce n’était pas un rêve ! s’exclama Anabella en prenant les mains de Sabrina.

La jeune fille réalisa que son rêve pouvait prendre vie.

« Maintenant que la société a recruté un diététicien, je vais prendre rendez-vous pour une consultation. Quel meilleur prétexte pour revoir Christian Fabre, après tout ? »

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