Chapitre 8 - Jeux, paires & Love

Chapitre 8

 

Sabrina remonta le col en fourrure de sa veste. Il faisait si froid ce matin, mais la journée s’annonçait très belle. Elle sentait ses joues et son nez rosir.

Son sourire se figea en repensant au drame qui avait précédé sa nouvelle vie. Une année était passée, lui semblait-il, au lieu de deux mois. Sa vie était transformée. Et surtout, elle était heureuse.

Sa vie d'avant lui paraissait terne, éclairée par la seule présence de sa mère. À présent, elle avait un travail doublement rémunéré, mais, par-dessus tout, elle prenait soin de sa personne.

Elle avait banni les excès en tous genres. Et le sport, quelle double bénédiction pour son corps et son esprit ! La légèreté ressentie imitait l’effet d’un cachet effervescent et libérait sa tête des pensées moroses. Et puis, elle avait maigri. Ses pantalons de taille quarante-quatre flottaient sur ses cuisses et ses fesses. Elle devait toutefois attendre encore quelques semaines pour renouveler ses tenues. Un amaigrissement trop rapide entraînait souvent une reprise de poids conséquente.

Grâce au charmant diététicien qui s’occupait d'elle, elle réapprenait à manger sans se priver. Sabrina sourit en évoquant Christian. Il était doux, gentil et attentionné. Ils s’étaient souvent vus avant son départ pour la province une semaine plus tôt, juste après celui de Manuel pour l’Italie. On pouvait même dire qu’ils avaient commencé une tendre romance depuis leur baiser à son hôtel.

Il l'avait aidée à trouver un appartement à dix minutes à pied de son lieu de travail. Le loyer était assez cher, mais la location était à portée de sa bourse. Christian l’avait appelée régulièrement lors de sa tournée avec Brice dans les grandes villes provinciales du sud de la France. À ces occasions, il lui prodiguait des conseils alimentaires en même temps que des mots doux.

Elle s'arrêta devant Vis ta forme et leva la tête. À chaque fois, avant de pénétrer dans le complexe, l’image de Manuel surgissait aussitôt. Son visage et sa voix, étrangement, lui manquaient même s'il avait tendance à la déplacer, tel un pion, au gré de ses humeurs.

Il était reparti en Italie une semaine auparavant et ne lui avait donné aucune nouvelle. Janice, Brice et certainement les autres personnels de la société l'avaient eu au téléphone. Brice l’avait même rejoint là-bas jusqu’au prochain week-end et l’avait laissée regagner Paris, seule, hier soir. Pourquoi Manuel la boudait-il? Qu'avait-elle fait pour mériter cette froideur?

Elle haussa les épaules et entra dans l'antre du diable.

 

Sabrina s’avança précautionneusement dans l’eau. Son maillot de bain une-pièce, un achat récent, enveloppait son corps. La voix neutre et rassurante d’Ibrahim réprima le frémissement rétrospectif qu’elle ressentit au contact du liquide chaud.

La température de la piscine chauffée lui apporta rapidement un bien-être diffus et ses gestes se coordonnèrent naturellement.

« Un vrai délice », songea-t-elle en déployant ses membres avec plus d’assurance.

— Vous avez drôlement progressé depuis la dernière fois, constata Ibrahim.

Bien que Sabrina lui avait demandé de la tutoyer, Ibrahim gardait cette attitude professionnelle et adoptait un vouvoiement respectueux. Une façon sans doute, pour cet homme assez secret, de conserver ses distances. Depuis le début de ses séances à la piscine avec Ibrahim, presque tout de suite après sa fréquentation de la salle de sports, elle avait noté que ce dernier demeurait sensible aux attentes des clientes du Centre, mais indifférent à leurs charmes. Nombreuses étaient celles qui, dépitées, repartaient avec un maillot échancré dont l’achat n’avait pas porté ses fruits. Car, il fallait bien se l’avouer, Ibrahim était comme un défi pour ces dames dont la frustration se muait très vite en une approche séductrice plus diplomatique.

« Rien n’y fait ! » sourit en elle-même Sabrina. Cet homme-là est décidé à rester de marbre. Il doit être misogyne. Mais qu’est-ce qu’il est superbe ! Un beau spécimen du désert ! Heureusement qu’il n’est pas mon type ! Sinon… »

Sinon quoi ? Ridicule ! Mais pas impossible ! Avec son inexpérience des hommes, elle aurait pu elle aussi soupirer comme ces admiratrices. Mais seulement dans sa tête…

— On va travailler le souffle maintenant, reprit le maître-nageur. Tête sous l’eau, essayez de nager jusqu’à moi en continu !

Dans un petit plouf assourdi, Sabrina plongea après une profonde inspiration. Les petites bulles qu’elle rejetait ramenèrent Christian en ses pensées.

— Vous êtes sortie de votre bulle maintenant, lui avait-il dit, lorsqu’il l’avait accompagnée à son hôtel, la première fois. Vous prenez enfin les rênes de votre vie. Et peut-être que…

Il s’était penché un peu plus sur elle et leurs lèvres s’étaient jointes.

Ce qu’elle avait ressenti ?

« La douceur d’un bonbon à la menthe dont la saveur monte peu à peu à la tête et vous étourdit… puis une agréable sensation de détente… »

Elle ouvrit la bouche un peu trop longuement et manqua de s’étouffer. Mais elle était déjà aux pieds d’Ibrahim.

— Ça va ? interrogea ce dernier.

Elle hocha la tête en signe d’acquiescement.

« Dommage que cette séance soit déjà terminée ! Je vais retrouver un appartement vide. Et Christian qui n’est pas joignable ! »

 

Manuel se donna à fond sur la dernière longueur de l’immense piscine de son hôtel particulier avant de s’abandonner sur le transat, tout épuisé par ce dernier effort. Des gouttes ruisselaient sur son corps musclé et bronzé.

— Très bel effort, amore mio ! s’exclama Gisela.

Manuel tourna la tête vers la pulpeuse femme à la chevelure blonde. Son corps voluptueux attirait systématiquement les regards masculins. Mais bizarrement, cela ne le dérangeait pas du tout.

Gisela se pencha sur lui et approcha son visage du sien pour l’embrasser. Manuel répondit à celui-ci sans entrain. Il repensa une fois de plus au baiser qu’avaient échangé Sabrina et Christian. Mais pourquoi songeait-il encore à cela ? Il espérait seulement que Christian ne lui fasse aucun mal et ne se jouait pas d’elle.

— Hello, everybody !

Gisela sépara ses lèvres des siennes en maugréant de l’arrivée de Brice.

Brice s’installa sur le transat à côté de Manuel.

— J’espère ne pas vous déranger ? demanda-t-il en souriant.

— Pas du tout, répondit Manuel. Tu tombes bien justement, il faut que nous parlions de la réunion de ce soir.

Manuel aperçut du coin de l’œil l’air renfrogné de Gisela. Elle ne tarda pas à se lever.

— Je vous laisse discuter de choses importantes. Pour ma part, je vais rejoindre d’autres personnes susceptibles d’apprécier ma compagnie, lâcha-t-elle d’un air offusqué.

Manuel resta un instant bouche bée.

— Susceptible et même très susceptible, répéta Brice.

— En effet, mais bon, venons aux choses sérieuses.

Le visage de Brice devint grave tout d’un coup. Manuel quitta sa position allongée pour faire face à son associé.

Brice se frotta la nuque. C’était sa manière à lui de commencer à parler de sujet primordial.

— Je souhaitais te parler de Sabrina.

— Sabrina, pourquoi ? A-t-elle encore des problèmes ? s’inquiéta-t-il.

— Non, du moins je ne pense pas ou pas encore…

— Je ne te comprends pas.

— Cela a un rapport avec Christian Fabre.

La mâchoire de Manuel se contracta. Cet homme lui passait par-dessus la tête. Tout le monde se pâmait devant lui. Toutes les femmes, mais surtout Sabrina.

— Qu’y a-t-il ? Aurait-il pris ta place de vedette ? ironisa Manuel. Serais-tu jaloux ?

Brice prit son air le plus offusqué.

— Je te parle sérieusement. Au-delà de son physique de prince charmant, Christian ne me dit rien qui vaille. Appelle cela comme tu voudras, mais pour ma part ce n’est qu’une intuition. J’ai peur que Sabrina ne s’en remette pas s’il se moque d’elle.

Brice avait entendu des murmures inquiétants concernant le passé séducteur de Christian. Deux jeunes filles en salle avaient chuchoté à son propos avec un petit sourire.

Manuel serra les poings au nom de Christian Fabre. Ce dernier se révélait être un bon diététicien et tous les clients appréciaient son professionnalisme. Mais il avait un je ne sais quoi qui dérangeait Manuel. Il avait aperçu Christian raccompagner une habituée de Vis ta forme. Le diététicien avait eu des manières équivoques envers la cliente visiblement sous le charme. Et voici qu’à présent, Brice avait les mêmes soupçons.

Mais ce n’était pas à lui de se préoccuper de la vie sentimentale de ses employés. Et encore moins de Sabrina qui cherchait à se reconstruire.

— Je ne peux rien faire. Nous ne savons rien de Christian et on ne peut pas porter de jugement préconçu parce qu’il s’intéresse à ta protégée.

Brice soupira.

— Oui, je sais. Mais il me met hors de moi avec ses airs de Don Juan.

« Et moi donc… », songea intérieurement Manuel.

 

Dans une des chambres de la résidence de Manuel, Gisela était assise sur le lit et tortillait le fil du téléphone entre ses doigts.

— Salut sœurette ! Tu organises toujours cette soirée ce soir ?

— Tu as changé d’avis ? interrogea sa sœur Carina au bout du fil.

— Mmouais…, fit Gisela négligemment.

— Tu viens seule ?

— Peut-être…

— Hum, lorsque tu as ce ton, je n’envisage rien de bon… Tu as envie d’en parler ?

— Non, pas particulièrement…

Sa voix finit dans un petit trémolo.

— Gisela, tu peux tout me dire, tu sais. Je ne te jugerais pas, reprit sa sœur Carina, plus sérieusement.

— Je sais… Tu as toujours eu ce rôle de protectrice à mon égard bien que tu sois ma cadette. Je…

— Oui ?

— Je suis enceinte…, murmura Gisela d’une voix atone.

— Mince ! Tu souhaites mettre fin à ta grossesse !

— Oh non ! Pour qui me prends-tu ? Non, je voudrais le garder. Le mannequinat occupe certes une place importante dans ma vie, mais cet enfant… je ne sais pas, je l’aime déjà.

— Le père est au courant ?

— Non, c’est là le hic ! Pour lui, je ne suis qu’une aventure… et j’ai peur de perdre notre relation épisodique en lui annonçant qu’il va être papa. Les hommes, en général, fuient ce genre de complications.

— Tu l’aimes donc !

— Oui, je l’aime. Mais lui, non. Je crois que je vais disparaître quelque temps…

— Tu trouveras ma question un peu impertinente, mais qui est le père ? J’ai quelque peu perdu le fil de tes fréquentations masculines ces derniers temps. À chaque fois que tu apparais à mes soirées, tu es au bras d’une conquête différente. Il y a eu Carlo, Mario, ah et aussi ce sublime grec, comment s’appelle-t-il déjà ? Constantino… c’est cela… et puis l’éternel Manuel en filigrane…

— Manuel… oui, je suis actuellement à son hôtel.

— Manuel ! Tu ne pouvais pas mieux tomber comme père pour ton enfant ! Je l’apprécie beaucoup. Et je pense que tu devrais le mettre au courant. Même s’il ne te t’aime pas, il a le droit de savoir qu’il va être père.

Les mains de Gisela se détendirent sur le combiné.

— Carina, comme toujours, tu apportes la réponse à mes angoisses. Je pense finalement que je ne viendrai pas à ta soirée. Bisous.

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