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Chapitre 9 - Jeux, paires & Love

Chapitre 9

 

Un cri et des pleurs attirèrent l’attention de Sabrina. Occupée à apprendre à Gabriel, un enfant de six ans, à colorier sans dépasser les traits, Sabrina se retourna d’un bloc. Julien, de sa petite main, frappait le visage de Ninon. La fillette réussit à le contourner pour courir vers Sabrina. Celle-ci s’était levée pour aller vers eux. Elle prit dans ses bras Ninon, seulement âgée de cinq ans, et stoppa le geste de Julien qui s’apprêtait encore à la taper.

— Mais qu’est-ce qui te prend ? demanda Sabrina.

Julien se tortilla de manière à faire lâcher prise à Sabrina qui le maintenait fermement. Elle l’entraîna dans un coin sous le regard effrayé des autres enfants. Elle déposa Ninon à ses côtés et fit asseoir Julien.

— Maintenant, tu arrêtes de gigoter ! lui dit-elle d’un ton ferme.

— Lâche-moi ! s’écria-t-il en s’efforçant de retirer sa main.

— Tu te calmes à présent et tu vas me dire pourquoi tu as frappé Ninon.

Le ton doux de Sabrina apaisa l’enfant turbulent.

— Ninon m’a énervé et je l’ai frappée.

— Tu penses que taper quelqu’un c’est mieux ? l’interrogea Sabrina.

Julien haussa les épaules.

— Mon papa le fait avec maman quand elle fait des bêtises…

Sabrina en resta abasourdie. Elle ne devrait pourtant pas s’étonner du comportement des enfants, car leur présence ici au Centre était due à une situation familiale malsaine.

Elle s’accroupit devant Julien.

— Tu sais, mon ange, il ne faut pas faire comme ton papa qui est une grande personne. Et comme je te l’ai dit, il ne faut pas frapper une personne même si elle t’agace. Dans ce cas, viens me voir ou, si je ne suis pas là, quelqu’un d’autre pour arranger tout cela. D’accord ?

Julien acquiesça de sa petite tête brune.

— Je ne vais pas te punir, mais si tu recommences, je ne serais pas aussi gentille qu’aujourd’hui, tu me comprends ?

— Oui, Sabrina.

— Et maintenant, je veux que tu t’excuses auprès de Ninon.

Julien se leva et se planta devant Ninon.

— Pardon, dit-il avant de tourner les talons et de rejoindre ses petits copains.

Sabrina fixa Ninon.

— Et toi, tu arrêtes d’embêter tout le monde, ma chérie. Va faire du coloriage.

À son tour, Ninon disparut de son champ de vision.

— Je vous félicite.

Sabrina reconnut la voix chaude derrière elle. Depuis combien de temps Manuel se trouvait-il là ?

Elle accepta sa main tendue pour se relever.

— C’est normal, répondit-elle.

— Vous n’avez pas dénigré son père devant lui alors qu’il ne le méritait pas. Vous êtes quelqu’un de spécial.

Sabrina sentit le rouge lui monter au visage.

— Merci, réussit-elle à prononcer.

Sabrina vit les traits tirés de Manuel. Il paraissait fatigué. Il était revenu hier au soir d’Italie pour débuter tôt le matin au Centre. Il semblait réellement se soucier d’autrui et prenait à cœur son rôle d’animateur dévoué.

Mais n’était-ce pas un masque ?

— Et si nous déjeunions ensemble ce midi ? proposa Manuel. Bien sûr, je vous invite. Nous pourrions discuter de choses et d’autres.

Sabrina acquiesça du bout des lèvres songeant pour la énième fois à Christian dont elle n’avait pas eu de nouvelles.

 

À midi, ils se retrouvèrent attablés dans un petit bar-PMU non loin de l’Association, un rendez-vous dominical pour tous les turfistes du coin.

Sabrina s’agita sur sa chaise, s’interrogeant à l’avance sur le sujet de leur conversation. Manuel était au comptoir, en train de passer leur commande.

La carte du menu ou plutôt l’ardoise, affichant à la craie le détail du repas unique proposé, lui arracha une grimace. Ses yeux parcoururent rapidement l’intérieur de la salle. Les traditionnels habitués discutaient chevaux. Les solitaires, leur journal étalé, un stylo à la main, listaient minutieusement leurs favoris. Et puis, des clients de passage dégustaient leur verre. Manuel et elle étaient apparemment les seuls à vouloir déjeuner.

Son regard se reporta sur Manuel. Il bavardait toujours avec le tenancier, un petit homme chauve dont le crâne luisant et le sourire avenant surmonté de moustaches alambiquées incitaient à la conversation.

Son téléphone portable la distrayait un moment de sa contemplation qui avait fini par une prospection un peu trop approfondie du visage de son patron.

Un SMS s’était inscrit sur l’écran de son appareil :

Ce soir – 20 h, chez toi – Je t’aime – Christian.

Son pouce s’envola sur le clavier pour répondre instantanément :

J’y serai, à ce soir.

Aussitôt le SMS envoyé, elle se demanda pourquoi il ne l’avait pas appelée au lieu de lui adresser un simple message. Mais le je t’aime lui fit oublier cette bizarrerie.

Pourquoi ne lui avait-elle pas répondu Je t’aime aussi ? Elle avait été sur le point de le faire, mais s’était ravisée, car c’était encore trop tôt. Elle n’était pas encore prête à dévoiler son cœur. Et Christian, avait-il déjà dit ces trois mots importants à une autre femme ?

Alors qu’elle rangeait son GSM, elle vit Manuel revenir.

— J’ai réussi à négocier une salade composée à la place du plat de frites. Au moins, vous ne dérogerez pas à votre régime.

Sabrina se raidit instinctivement. Bien sûr, il pensait toujours à l’image de sa promotion.

Il recula sa chaise et s’assit en étalant ses jambes. Un soupir lui échappa.

— J’ai une faveur à vous demander, Sabrina, enchaîna Manuel.

Elle allait lui répondre en termes un peu cinglants concernant sa sollicitude au sujet de son régime, mais les mots s’étouffèrent dans sa gorge. Il s’était penché en avant et dans son visage, si proche du sien, elle remarqua la lueur éteinte des yeux et les ridules accentuées autour des lèvres.

Une vague de compassion l’envahit malgré elle. Elle réalisait alors combien il pouvait être harassant pour un homme tel que lui d’assumer des tâches aussi épuisantes. Voyager d’un pays à l’autre en traitant des affaires et être présent à l’Association pour assumer son bénévolat… Oui, il devait avoir une vie bien remplie… un peu trop peut-être. Que souhaitait-il démontrer en venant aujourd’hui ? Il aurait dû se reposer… Une fois de plus, l’étrange personnalité de son employeur la désarçonnait.

— Il s’agit d’un jeune dont je m’occupe particulièrement en ce moment. Il s’appelle Frédéric. Julien, votre petit turbulent, est son jeune frère.

Sabrina hocha la tête. Elle l’avait entr’aperçu un dimanche lorsqu’il était arrivé avec Julien.

— Je dois m’absenter quelque temps. Je veux dire, je dois réorganiser mon emploi du temps. Et je serai un peu plus souvent en Italie dans les mois à venir.

— Je comprends, murmura Sabrina. Dites-moi ce que je dois faire.

— Frédéric a déjà été arrêté en possession de marijuana. Mais c’est un bon garçon au fond. Je suis sûr qu’il s’est laissé entraîner. Il a fait des progrès énormes depuis qu’il fréquente l’Association. Ses notes à l’école se sont améliorées et il a une meilleure entente avec son entourage. Il a un vif intérêt pour le dessin. C’est lui qui a conçu la banderole du festival d’été de l’Association en juin dernier. Il est bien suivi par Jocelyn Ménard, mais le week-end, on a développé une relation assez soudée, lui et moi. Il me fait confiance, et…

— … et vous craignez que cette confiance ne soit ébranlée en raison de votre absence prolongée, acheva-t-elle.

— J’ai peur qu’il ne se sente rejeté… À cet âge-là, on est fragile et il n’a pas encore acquis la maturité nécessaire pour surmonter ce genre de situation. Si vous pouviez reprendre un peu le suivi que j’avais auprès de lui. J’ai appris que vous étiez en train de passer votre BAFA.

— J’ai effectivement réussi la première partie de l’examen pour être animatrice à part entière. Je pourrais éventuellement l’inclure dans mon cours pour les plus petits et lui proposer de leur donner des cours de dessins.

— C’est une bonne idée. Il se sentira plus responsable. On pourrait mettre en place ce programme après déjeuner.

— Vous repartez donc en Italie bientôt ? demanda-t-elle doucement.

— Oui. Mais avant, je dois voir avec vous et Janice l’organisation du Centre de Fitness à Paris. Il ne reste qu’une semaine pour la tournée en Province, ensuite vous reprendrez votre travail au bureau. Mais j’ai décidé de vous déléguer quelques tâches liées au commercial. Brice m’a dit grand bien de votre sens de communication. Jérôme, justement, notre commercial attitré, me racontait l’autre jour qu’il aurait bien aimé avoir du renfort depuis le lancement de la nouvelle campagne.

Le patron du bar vint les interrompre pour leur apporter leur repas.

Manuel avait pris le plat du jour : moules frites. Et l’agréable petit chauve avait déposé devant elle une grande assiette de crudités parsemée de-ci, de-là de quelques miettes de fromage de brebis.

Elle eut un sourire un peu contracté.

Le fromage de brebis, lui avait confié Christian, était excellent en termes d’équilibre vitamines/calories.

Comme elle avait hâte d’y être à ce soir !

« Pourquoi est-il demeuré silencieux depuis quelque temps ? » s’interrogea-t-elle encore une fois.

— Cela ne vous plaît pas ? demanda Manuel.

— Si, si… Le fromage de brebis, j’aime un peu moins, mais c’est bon pour la santé, paraît-il.

— Vous avez des nouvelles de Luis et d’Anabella ? Cela fait quelque temps que je ne les ai pas appelés, déclara Manuel, changeant subitement de sujet.

— Anabella m’a téléphoné cette semaine. Luis et elle sont en vacances dans leur résidence secondaire sur la côte Atlantique, à Arcachon. Ils comptent y rester deux semaines, je crois. Ce sont les premiers congés de Luis depuis très longtemps. Ils doivent bien en profiter en tout cas.

— C’est une maison au bord de la mer. En cette saison, le calme et le paysage d’hiver doivent être un havre de paix.

« On dirait qu’il aurait bien voulu y être dans cette maison au bord de l’eau », songea-t-elle.

 

Sabrina était étendue sur son lit. Vêtue d’une longue robe safranée avec un léger décolleté sur le devant, elle attendait Christian. Mais ses pensées curieusement étaient revenues vers son déjeuner avec Manuel. Elle aurait bien voulu savoir si son séjour prolongé en Italie était seulement motivé par son travail.

« Sûrement pas, pensa-t-elle. On dirait qu’il a des soucis. Et puis, zut, pourquoi dois-je m’en faire pour lui ? Peut-être parce qu’il avait cet air perdu un peu attendrissant… Non, mais, où je vais là ? »

Elle se releva brusquement à demi pour dévier ses pensées. Au même moment, on sonna à sa porte.

Elle reçut un gros bouquet de fleurs et le sourire craquant de Christian.

Il lui baisa légèrement les lèvres et rentra dans l’appartement. Il semblait tout excité.

À son grand étonnement, Christian se mit tout de suite à genoux à ses pieds. Elle resta stupidement à le regarder, le bouquet entre les mains.

— Ma tendre Sabrina, dit Christian tout en sortant un objet de la poche de son pantalon, veux-tu me faire l’honneur de devenir ma femme ?

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